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lundi 23 octobre 2006

De l'interrogation


Je suis un peu perplexe.
Jusqu'à présent, j'avais de grandes certitudes rassurantes parce que je les croyais immuables. Plus précisément, je croyais que l'Art était quelque chose qui se méritait. Je m'explique de manière plus pragmatique : pour avoir accès à une oeuvre d'art, il me semblait que cela faisait partie du "jeu" de payer ; Acheter une toile, un CD, payer sa place de cinéma ou de théâtre... Cela faisait aussi partie de la démarche du spectateur de faire cet effort, et d'une certaine manière de reconnaître le travail de l'artiste à sa juste (?) valeur.
Et jusqu'à maintenant, j'essayais de me tenir à ce fonctionnement : je ne téléch...écoutais que quelques morceaux d'un artiste avant d'acheter son album, ce qui m'obligeait aussi à faire une selection, des choix réfléchis (mes finances ne me permettant pas de Tout avoir!), plutôt que d'emmagasiner une multitude de chansons que je n'écouterais qu'une fois ou deux (même un peu plus) avant de les oublier.

Mais voilà que les artistes eux-mêmes font voler en éclats ces codes, en proposant leur album ou EP entièrement (et plus seulement quelques titres) et gratuitement à télécharger, ou en l'envoyant par la poste à qui en fait la demande, sans savoir ce qu'il va advenir de leur oeuvre : un sous-verre pour ne pas tacher la table en cerisier de tante Ursuline ? Un jingle qui servira à avertir qu'une erreur fatale survient sur l'ordinateur ?

Et c'est ce qu'ont fait Mark Wilson et (Please) Don't Blame Mexico -je suppose d'ailleurs qu'ils ne sont pas les seuls. J'imagine que leur but est avant tout de se faire connaître, et la démarche est plutot généreuse. De plus quand on est un jeune groupe, je conçois évidemment que "vendre" ne fait pas forcément partie des priorités, surtout si l'on n'est pas (encore) signé par un label. Mais, en dehors de toute considération qualitative, n'y a-t-il pas un risque de passer immédiatement dans l'oubli pour la simple raison que l'acquisition de cette oeuvre aurait été trop aisée ? Ou bien alors suis-je totalement réactionnaire et dépassée ?

Car enfin, (Please) Don't Blame Mexico et Mark Wilson sont talentueux et méritent que l'on parle d'eux, mais la mediatisation seule ne fait pas vivre de son art...
Alors ... ?


(Please) Don't Blame Mexico - First Aid Kid
First Aid Kid EP


Mark Wilson - Waltz In A Flat
The Endless Elevator Tour

21 commentaires:

Anonyme a dit…

Parce que c'est gratuit que c'est moins de l'art ?

La Joconde est-elle moins belle le dimanche sous prétexte que le Louvre est gratuit ?

Jen a dit…

Bien sur que non !
Mais il faut se taper quatre heures de queue quand même ! ;-)

Plus sérieusment, je sais que mon argumentaire est discutable, mais je maintiens que l'art nécéssite un certain investissement (matériel ou non finalement) de la part du spectateur...

Anonyme a dit…

Bien. Alors dans ce cas, ton investissement, ce sera ces heures de queues devant la pyramide...

; )

Jen a dit…

Certes ! :-)

Anonyme a dit…

1-L'investissement dont tu parles je le vois plutot intellectuel.

2-J'ai le sentiment que les gens qui consomment de l'art gratuit sont les plus intègres.

3-Quand l'argent parasite le processus de création, l'art est dénaturé.

4-Ce soir, je mange des petits-pois/carottes.

Jen a dit…

Coobbeans : je suis d'accord avec toi sur les points 1 et 3, en revanche je ne suis pas sure de voir ce que tu veux dire sur le point 2, et enfin, je ne raffole pas des petits pois/carottes, je préfère les haricots beurre !

Jen a dit…

Et pardon d'avoir écorché ton nom !

Anonyme a dit…

Ce que je veux dire dans la phrase 2 : quand on a payé pour quelquechose, on a tendance a vouloir en profiter même si ça ne nous interesse finalement pas tant que ça.
Donc, quand c'est gratuit et qu'on s'interesse... c'est une demarche intellectuellement noble. Je ne suis pas sûr d'être très clair...

Et n'écorche PLUS JAMAIS mon nom !!!!
;-D

Jen a dit…

Mais, justement, est-ce qu'on investit (pour avoir un terme plus large) dans quelque chose qui ne nous interesse pas ?
Et la notion de profit devient, je trouve plus genante, quand ça nous tombe tout cuit dans les mains...
Mais là je ne suis pas sure d'etre très claire non plus !

Anonyme a dit…

Il ne faudrait pas confondre investissement intellectuel et promotion. Certes tous les moyens de se faire remarquer peuvent se justifier (je n'ai pas dit défendables) mais il ne faut pas perdre de vue que la création est aussi une façon de vivre si ce n'est un moyen. Je m'étonne que dans cette société axée sur la consommation on imagine un domaine ou la gratuité serait reine. Et comme le hasard fait bien les choses: c'est biensûr l'art qui aurait le privilège d'être libre d'accès (si la Joconde peut se voir gratuitement le dimanche c'est parcequ'il y a des sommes alouées pour ça, on appelle ça des impots). Attention il est des domaines artistiques en grande dificulté, soustraire l'art au marché revient à condamner bien des artistes à poser définitement leur instrument. Proposer une oeuvre sur le net est un choix politico-économico-médiatique. Au bout du bout l'artiste devra vivre de son art pour exister. La création artistique ne peut être assimilée à du bénévolat,ah le vilain mot, et je ne pense pas que des actes "gratuits" soient sans arrières pensées financières à plus ou moins long terme.

Jen a dit…

Jacky Bricolator : Tu dis que au bout du bout, l'artiste devra vivre de son art pour exister. Est-ce vraiment le seul moyen (ou la seule façon) ? Un artiste doit bien pouvoir se sentir exister, être reconnu (et donc continuer à exercer) sans nécessairement ramener cela à une question purement économique.
Et enfin, les artistes qui ont une activité secondaire (purement alimentaire ou non) en deviennent-ils pour autant des artistes du dimanche pour la simple et bonne raison que ce n'est pas seulement leur art qui les fait vivre ?

Anonyme a dit…

L'affaire est compliquée!Le point de départ etait:"l'art peut-il être gratuit? au sens financier du terme. D'une manière ou d'une autre je ne le crois pas. Comme tout un chacun, l'artiste à besoin de vivre et si possible de son art. ainsi souvre la brèche du metier annexe.Une solution qui arrange tout le monde ,l'artiste parcequ'il peut vivre dignement et la société parcequ'elle peut se glorifier d'avoir des artistes à pas cher. Le compromis est dur à trouver. La solution, si elle existe est cetainement ailleurs. Bon nombre d'activités artistiques, expos, concerts,ect sont offertes au publique, et parfois de très bonne tenue, mais n'en faisons pas une règle. Le risque est grand de se satisfaire d'une situation "confortable",et de glisser lentement vers un amateurisme bon enfant, eloigné des contingeances cotidiennes. L'activité secondaire n'induit pas forcement artistes du dimanche mais elle y maine doucement. Artite au cotidien il n'y a pas mieux mais mefions-nous des contre-façons. Rien n'est simple,s'il sufisait de travailler beaucoup pour être doué, ça se saurait. Mait une chose est sûre, il n'y a pas de génie sans un peu de travail.
Alors...courage.

Anonyme a dit…

desolé pour les fautes de frappe, j'ai ecrit en phonétique dans la précipitation!!

Jen a dit…

C'est pas grave, tu t'es parfaitement fait comprendre, et c'est le principal.
Et la question est effectivement bien compliquée, et le débat sans fin, quoique passionnant ! On continuera de vive voix d'ailleurs !

Anonyme a dit…

Mmmmmh.. Parce qu'il ne faut pas se débourser pour y avoir accès, l'art est moins intéressant.? Moi je vois l'effet inverse, se proposer de façon brute sans demander quelque chose en retour permet une visibilité claire de cet art en question. Quand t'achetes un CD, et que tu le trouves mauvais, n'essayes tu quand même pas de le réécouter pour esssayer de te convaincre "quand même"?

Vaste débat.

Jen a dit…

Si, justement ! La gratuité rend l'écoute (puisqu'on parle de musique) bien moins attentive finalement, avec ce raisonnement...

Anonyme a dit…

A mon avis le débat n'est ni vaste ni complexe. Un artiste a besoin de s'exprimer, point barre. Après, qu'il ait ou non besoin ou envie de vivre de son art ne regarde que lui. Arrêtons de généraliser sur le devenir de l'art si tout devient gratuit, il n'y a jamais eu d'art, seulement des artistes.
Personnellement, qu'une oeuvre (ou l'accès à une oeuvre) soit gratuite ou non ne change strictement rien à ma perception. Mais évidemment, si l'on s'intéresse à "l'art" par branchitude et pas par sensibilité personnelle on risque de porter moins d'attention à une oeuvre pour laquelle on n'aura pas payé, comme d'un autre côté on portera moins d'attention à une oeuvre sans crédibilité médiatique. Dans les deux cas c'est stupide. Ouvrez donc d'abord vos yeux, vos oreilles, votre coeur et votre cerveau, et ensuite votre portefeuille s'il le faut et que ça le vaut.
A part ça, remettre ainsi en question une démarche comme celle de (Please) Don't Blame Mexico me paraît d'autant plus déplacé que leur musique est des plus honnêtes. Et même si ça n'était pas le cas, distribuer sa musique, qu'on soit (re)connu ou pas, demeure une attitude tout à fait généreuse. Tout le reste n'est que vaine (et vaniteuse) "philosophie"...

Jen a dit…

... sauf que dans la vraie vie (celle où quand on se cogne ca fait mal), c'est difficile de ne vivre que d'amour et d'eau fraîche...

Anonyme a dit…

Juste pour défendre mon camarade: Je trouve ça un peu étrange d'invoquer une sorte de "principe de réalité" (la gratuité ça n'existe pas dans la vraie vie) quand justement, pour une fois, elle est rendue possible - pour de vrai. Et il est bizarre qu'alors cela suscite une sorte de méfiance, du genre: il y a forcément des intentions cachées derrière. Si c'est sur un plan purement personnel que tu as besoin de payer une oeuvre alors ne te prives pas (je ne pense pas que Maxime aurait été contre si tu lui avais envoyé 10 euros!)mais j'avoue ne pas comprendre pourquoi une démarche qui contredit les caractéristiques habituelles de l'art (il faut payer pour apprécier) en contredirait pour autant les caractéristiques essentielles (il faut faire un effort pour apprécier).

Jen a dit…

Je suis bien tentée d'être d'accord avec toi David, mais alors il reste la problématique du rapport de l'artiste à son oeuvre : ne serait-ce pas dévaloriser (au propre comme au figuré) son oeuvre, que de la distibuer sans contrepartie ?
Encore une fois, je m'interroge simplement et je n'ai pas de réponse toute faite !

Anonyme a dit…

ben ouais voilà c'est exactement: si je distribue gratuitement ce bon dieu de ep, c'est tout simplement parce que je le trouve à chier.
voilà le rapport que moi, "Artiste", j'entretiens avec mon "Oeuvre".
l'affaire est reglée.
vous pouvez passer au chapitre 2 du manuel.

n'empêche que tu t'es quand même bien gardée de me faire état de tes "rrrréflexiôôôns" au moment de me commander ce disque, et qu'à l'heure qu'il ça me fait bien rire.